Méga, Giga, nano, pico et les autres

 par Jean-Pierre Bourdier, F6FQX

 Le langage articulé serait apparu il y a 2 millions d’années (chez homo habilis), les nombres il y a 5000 ans (cf. bibliographie 1), le système de numération actuel (positionnel à 10 glyphes dont un zéro) il y a 1000 ans. Or, les radioamateurs sont de grands utilisateurs de nombres : ils manipulent des grandeurs physiques qu’il leur faut mesurer (longueur d’une antenne, fréquence d’un oscillateur, puissance d’un émetteur, capacité d’un condensateur, induction d’une self, etc.).

 

En cela, ils sont logés à la même enseigne que les spécialistes du « très grand » (astrophysique) et que ceux du « très petit » (physique des particules). Comme ces spécialistes,  les radioamateurs constatent que les unités de base du système légal MKSA (mètre, kilogramme, seconde, ampère) et leurs dérivés directs (Hertz, Farad, Henry, etc.) sont peu adaptées à leurs disciplines respectives, car trop grandes ou trop petites.

 

En effet, imagine-t-on d’exprimer en mètres la distance Terre-Soleil (150 000 000 000 m ) ou la longueur d’onde d’un rayonnement gamma (0,000 000 000 001 m) ?

 

La communauté internationale a donc très vite inventé des noms pour les multiples décimaux des unités de base et pour leurs inverses.

 

Considérons d’abord les multiples décimaux de l’unité (cf. tableau n°1, dans lequel les 2 dernières lignes sont encore à l’état de recommandations et les 10 premières légales, ce qui n’empêche pas certains secteurs industriels (aéronautique, pétrole) de continuer à parler en pouces, en pieds, en psi (livres par pouce-carré…), etc. Et que dire des USA où le système décamétrique est légal depuis 1996, et où les OM vous expliquent sans rire « qu’une antenne se mesure mieux en pouces qu’en cm »… :

 

10

101

déca

da

100

102

hecto

h

1 000

103

kilo

k

1 000 000

106

Méga

M

1 000 000 000

109

Giga

G

1 000 000 000 000

1012

Téra

T

1 000 000 000 000 000

1015

Péta

P

1 000 000 000 000 000 000

1018

Exa

E

1 000 000 000 000 000 000 000

1021

Zetta

Z

1 000 000 000 000 000 000 000 000

1024

Yotta

Y

1 000 000 000 000 000 000 000 000 000

1027

Xenna

X

1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000

1030

Wéka

W

                      tableau n°1 : multiples décimaux de l’unité

 

A l’école primaire, on apprend ce qu’est un décamètre, un hectomètre, un kilomètre, et il y a fort à parier qu’on y apprendra bientôt ce qu’est un Mégaoctet, un Gigaoctet, voire un Téraoctet (pour faciliter le dialogue avec la grande sœur et son disque dur). Les radioamateurs, eux, parlent « MHz » et « GHz » depuis belle lurette.

 

Au-delà, on trouve, les « Téra », « Péta », « Exa », qui appartiennent déjà au jargon industriel (offre d’énergie en France = 12 EJ/an, soit 12 Exa-Joules annuels).

 

Au-delà encore, on entre dans le monde de l’astrophysique, où les très grands nombres foisonnent. Par exemple :

- l’âge de l’univers : 14 milliards d’années, soit « 442 Péta-secondes »

- le nombre d’étoiles dans l’univers : 30 000 000 000 000 000 000 000, soit « 30 Zetta-étoiles »

- le rayon de l’univers : 400 000 000 000 000 000 000 000 000 m, soit « 0,4 Xenna-mètres »

- le nombre de particules (protons, électrons, etc) dans l’univers : « 1080 » (un 1 suivi de 80 zéros…)

 

A noter toutefois que les astronomes ont aussi leur propre jargon métrologique, avec, pour unités de distance, année-lumière (al), unité astronomique(ua) ou parsec (pc). Il est vrai que toutes les corporations font de même : les céréaliers utilisent le q/ha (quintal/hectare), les exportateurs de viande bovine la tec (tonne-équivalent-carcasse), etc…

 

Mais sait-on que des chiffres encore plus grands se cachent dans des actes de la vie courante :

- nombre de configurations d’une partie de bridge : « 8 fois 1067 » (un 8 suivi de 67 zéros)

- « Google », bien connu des adeptes d’internet, et qui est en fait 10100 (un 1 suivi de 100 zéros)

 

Pourtant, Google lui-même, et son cousin Googleplex (10 puissance Google), ne détiennent pas la palme des grands nombres utilisés dans des calculs : ils sont battus par des nombres si grands qu’on ne peut les écrire avec les notations scientifiques usuelles ; avec eux, on quitte le domaine de la physique pour celui des mathématiques contemporaines ( entiers appelés « incompréhensiblement grands » par Harvey Friedman qui les utilise dans ses travaux sur l’indécidabilité)..N’allez cependant pas penser que ce ne sont là que chimères sans intérêt pratique, puisqu’en particulier la cryptographie des transactions financières sur internet en dépend (cf. bibliographie 2)

 

Considérons maintenant les inverses des multiples décimaux de l’unité (cf. tableau n°2, dans lequel les 10 premières lignes sont légales, et les 2 dernières encore à l’état de recommandations) :

 

0,1

10-1

déci

d

0,01

10-2

centi

c

0,001

10-3

milli

m

0,000 001

10-6

micro

m

0,000 000 001

10-9

nano

n

0,000 000 000 001

10-12

pico

p

0,000 000 000 000 001

10-15

femto

f

0,000 000 000 000 000 001

10-18

atto

a

0,000 000 000 000 000 000 001

10-21

zepto

z

0,000 000 000 000 000 000 000 001

10-24

yocto

y

0,000 000 000 000 000 000 000 000 001

10-27

éno

x

0,000 000 000 000 000 000 000 000 000 001

10-30

wéko

w

         tableau n°2 : inverses des multiples décimaux de l’unité

 

A l’école primaire, on apprend ce qu’est un décimètre, un centimètre, un millimètre. Depuis des décennies, les radioamateurs sont familiarisés avec les 3 « niveaux suivants » (micro, nano, pico) pour les selfs et surtout les capacités courantes en HF et VHF.

 

Quand on poursuit les divisions successives par multiples de 1000, on trouve des grandeurs qui nous font plonger dans le monde atomique et même subatomique (femto, atto, zepto, etc.). Citons quelques exemples :

- masse de l’électron : 9x10-31 kg, soit « 0,9 eno-gramme »

- charge de l’électron : 1,6x10-19 C, soit « 0,16 atto-coulomb »

- durée de vie de la particule « boson W » : 10-25 seconde, soit « 10 yocto-seconde »

En formation à F6KRK, un jeune OM à qui je venais de parler du boson W, m’avait dit «voilà de quoi méditer sur la brièveté de l’existence…l’observateur doit avoir une bonne vue pour entrevoir un être aussi pressé d’en finir» ; en fait, se déplaçant très vite, ce boson, est relativiste et le temps s’écoule beaucoup plus lentement pour l’observateur (cf. bibliographie 3), qui a alors «tout son temps » pour observer.

&&&

Certains pensent qu’en vertu de la loi de Moore, on construira, dans les années 2020, des transistors de la taille d’un atome. Si c’est avéré, ces composants  utiliseront alors bien plus qu’aujourd’hui les effets quantiques, on ne comptera plus l’info en bits mais en qubits, ce qui conduira à des performances beaucoup plus élevées qu’aujourd’hui. Nos petits-enfants jongleront peut-être alors avec « les Yotta-octets » et les atto-secondes » comme nos enfants le font avec «Giga-octets et nano-secondes » ?

 

Bibliographie :

trois précédents articles en rapport avec le sujet :

1-       http://f6fqx.chez-alice.fr/articlesF6FQX/article 017/article_OM_omo.pdf

2-       http://f6fqx.chez-alice.fr/maths_de_9_a_99_ans/088_fonction_zeta/zeta.pdf

http://f6fqx.chez-alice.fr/articlesF6FQX/article%20014/articleondes.html