Le langage articulé serait apparu il y a 2 millions d’années (chez homo habilis), les nombres il y a 5000 ans (cf. bibliographie 1), le système de numération actuel (positionnel à 10 glyphes dont un zéro) il y a 1000 ans. Or, les radioamateurs sont de grands utilisateurs de nombres : ils manipulent des grandeurs physiques qu’il leur faut mesurer (longueur d’une antenne, fréquence d’un oscillateur, puissance d’un émetteur, capacité d’un condensateur, induction d’une self, etc.).
En cela, ils sont logés à la même enseigne que
les spécialistes du « très grand » (astrophysique) et que ceux du
« très petit » (physique des particules). Comme ces
spécialistes, les radioamateurs
constatent que les unités de base du système légal MKSA (mètre, kilogramme,
seconde, ampère) et leurs dérivés directs (Hertz, Farad, Henry, etc.) sont peu
adaptées à leurs disciplines respectives, car trop grandes ou trop petites.
En effet, imagine-t-on d’exprimer en mètres la
distance Terre-Soleil (150 000 000 000 m ) ou la longueur d’onde d’un
rayonnement gamma (0,000 000 000 001 m) ?
La communauté internationale a donc très vite
inventé des noms pour les multiples décimaux des unités de base et pour leurs
inverses.
Considérons d’abord les multiples
décimaux de l’unité (cf. tableau n°1, dans lequel les 2
dernières lignes sont encore à l’état de recommandations et les 10 premières
légales, ce qui n’empêche pas certains secteurs industriels (aéronautique,
pétrole) de continuer à parler en pouces, en pieds, en psi (livres par
pouce-carré…), etc. Et que dire des USA où le système décamétrique est légal
depuis 1996, et où les OM vous expliquent sans rire « qu’une antenne se
mesure mieux en pouces qu’en cm »… :
10 |
101 |
déca |
da |
100 |
102 |
hecto |
h |
1 000 |
103 |
kilo |
k |
1 000 000 |
106 |
Méga |
M |
1 000 000
000 |
109 |
Giga |
G |
1 000 000 000 000 |
1012 |
Téra |
T |
1 000 000 000 000 000 |
1015 |
Péta |
P |
1 000 000 000 000 000 000 |
1018 |
Exa |
E |
1 000 000
000 000 000 000 000 |
1021 |
Zetta |
Z |
1 000 000 000 000 000 000 000 000 |
1024 |
Yotta |
Y |
1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 |
1027 |
Xenna |
X |
1 000 000 000 000 000 000 000 000 000 000 |
1030 |
Wéka |
W |
tableau n°1 : multiples décimaux de l’unité |
A l’école primaire, on apprend ce qu’est un
décamètre, un hectomètre, un kilomètre, et il y a fort à parier qu’on y
apprendra bientôt ce qu’est un Mégaoctet, un Gigaoctet, voire un Téraoctet
(pour faciliter le dialogue avec la grande sœur et son disque dur). Les
radioamateurs, eux, parlent « MHz » et « GHz » depuis belle
lurette.
Au-delà, on trouve, les « Téra »,
« Péta », « Exa », qui appartiennent déjà au jargon
industriel (offre d’énergie en France = 12 EJ/an, soit 12 Exa-Joules annuels).
Au-delà encore, on entre dans le monde de l’astrophysique, où les très grands nombres foisonnent. Par exemple :
- l’âge de l’univers : 14 milliards
d’années, soit « 442 Péta-secondes »
- le nombre d’étoiles dans l’univers : 30 000 000 000 000 000 000 000,
soit « 30 Zetta-étoiles »
- le rayon de l’univers : 400 000 000 000 000 000 000 000
000 m, soit « 0,4 Xenna-mètres »
- le nombre de particules (protons, électrons,
etc) dans l’univers : « 1080 » (un 1 suivi de 80
zéros…)
A noter toutefois que les astronomes ont aussi leur propre jargon métrologique, avec, pour unités de distance, année-lumière (al), unité astronomique(ua) ou parsec (pc). Il est vrai que toutes les corporations font de même : les céréaliers utilisent le q/ha (quintal/hectare), les exportateurs de viande bovine la tec (tonne-équivalent-carcasse), etc…
Mais sait-on que des chiffres encore plus grands
se cachent dans des actes de la vie courante :
- nombre de configurations d’une partie de
bridge : « 8 fois 1067 » (un 8 suivi de 67 zéros)
- « Google », bien connu des adeptes
d’internet, et qui est en fait 10100 (un 1 suivi de 100 zéros)
Pourtant, Google lui-même, et son cousin
Googleplex (10 puissance Google), ne détiennent pas la palme des grands nombres
utilisés dans des calculs : ils sont battus par des nombres si grands
qu’on ne peut les écrire avec les notations scientifiques usuelles ; avec
eux, on quitte le domaine de la physique pour celui des mathématiques
contemporaines ( entiers appelés « incompréhensiblement grands » par Harvey
Friedman qui les utilise dans ses travaux sur
l’indécidabilité)..N’allez cependant pas penser que ce ne sont
là que chimères sans intérêt pratique, puisqu’en particulier la cryptographie
des transactions financières sur internet en dépend (cf. bibliographie 2)
Considérons maintenant les inverses des
multiples décimaux de l’unité (cf. tableau n°2,
dans lequel les 10 premières lignes sont légales, et les 2 dernières encore à
l’état de recommandations) :
0,1 |
10-1 |
déci |
d |
0,01 |
10-2 |
centi |
c |
0,001 |
10-3 |
milli |
m |
0,000 001 |
10-6 |
micro |
m |
0,000 000
001 |
10-9 |
nano |
n |
0,000 000
000 001 |
10-12 |
pico |
p |
0,000
000 000 000 001 |
10-15 |
femto |
f |
0,000
000 000 000 000 001 |
10-18 |
atto |
a |
0,000
000 000 000 000 000 001 |
10-21 |
zepto |
z |
0,000 000 000 000 000 000 000 001 |
10-24 |
yocto |
y |
0,000 000 000 000 000 000 000 000 001 |
10-27 |
éno |
x |
0,000 000 000 000 000 000 000 000 000 001 |
10-30 |
wéko |
w |
tableau
n°2 : inverses des multiples décimaux de l’unité |
A l’école primaire, on apprend ce qu’est un
décimètre, un centimètre, un millimètre. Depuis des décennies, les
radioamateurs sont familiarisés avec les 3 « niveaux suivants »
(micro, nano, pico) pour les selfs et surtout les capacités courantes en HF et
VHF.
Quand on poursuit les divisions successives par
multiples de 1000, on trouve des grandeurs qui nous font plonger dans le monde
atomique et même subatomique (femto, atto, zepto, etc.). Citons quelques
exemples :
- masse de l’électron : 9x10-31
kg, soit « 0,9 eno-gramme »
- charge de l’électron : 1,6x10-19
C, soit « 0,16 atto-coulomb »
- durée de vie de la particule « boson
W » : 10-25 seconde, soit « 10 yocto-seconde »
En formation à F6KRK, un jeune OM à qui je
venais de parler du boson W, m’avait dit «voilà de quoi méditer sur la brièveté
de l’existence…l’observateur doit avoir une bonne vue pour entrevoir un être
aussi pressé d’en finir» ; en fait, se déplaçant très vite, ce boson, est
relativiste et le temps s’écoule beaucoup plus lentement pour l’observateur
(cf. bibliographie 3), qui a alors «tout son temps » pour observer.
&&&
Certains pensent qu’en vertu de la loi de Moore,
on construira, dans les années 2020, des transistors de la taille d’un atome.
Si c’est avéré, ces composants
utiliseront alors bien plus qu’aujourd’hui les effets quantiques, on ne
comptera plus l’info en bits mais en qubits, ce qui conduira à des performances
beaucoup plus élevées qu’aujourd’hui. Nos petits-enfants jongleront peut-être
alors avec « les Yotta-octets » et les atto-secondes » comme nos
enfants le font avec «Giga-octets et nano-secondes » ?
Bibliographie :
trois précédents articles en rapport avec le
sujet :
1-
http://f6fqx.chez-alice.fr/articlesF6FQX/article
017/article_OM_omo.pdf
2- http://f6fqx.chez-alice.fr/maths_de_9_a_99_ans/088_fonction_zeta/zeta.pdf