Le cycle solaire 24 arrive ; et si on reparlait d'antennes ?

par Jean-Pierre Bourdier, F6FQX

Les taches sont de retour sur le soleil. On va donc pouvoir enfin renouer avec le trafic DX sans beam ni kW (cf. article Radio-REF décembre 1988). Encore faut-il pour cela disposer d'une bonne antenne. Or, tout a été dit sur les antennes. En revanche, même en radio, il est apparu au fil des ans des faits nouveaux pouvant faire changer le regard qu'on porte à l'expérimentation d'antennes. Cet article a pour objet d'examiner ces évolutions et d'essayer d'en tirer les leçons pour bien profiter du cycle 24

Première évolution : la population des radio-clubs s'est peu à peu enrichie de jeunes d'un  bon niveau théorique qui peut beaucoup nous aider .  Depuis l'informatique, les vieux (comme moi) savent que les jeunes en savent plus qu'eux-mêmes dans certains domaines, et c'est très bien ainsi. Rien de surprenant : le « peuple OM » suit l'évolution de la population générale (en 1960, 46 millions de Français, 81000 candidats et 60000 reçus au BAC ; en 2009, 65 millions, 622000 candidats, 513000 reçus). Bien sûr, il n'est pas nécessaire d'être un « électronicien pro» pour être OM ou YL, mais quand, au sein d'un groupe humain, il en est qui peuvent aider les autres, tous y gagnent. Relisons les livres du CNET des années 50 : tout ce qu'on sait aujourd'hui sur les antennes décamétriques y était déjà ; relisons des revues OM des années 50 (QST par exemple) et ces mêmes revues de 2010 : les connaissances théoriques y étaient quasi-absentes en 1950 alors qu'elles sont omni-présentes en 2010. L'OM contemporain est mieux armé que nous ne l'étions autrefois, pour démêler le vrai du faux (cf. les antennes-miracles, et les excellents articles de F5NB/Robert dans Radio-REF sur le sujet) et se concentrer sur l'essentiel pour concevoir une antenne performante (s'il n'est pas expert, il trouvera facilement au club un OM ou une YL pouvant l'aider).

Seconde évolution : en radio, comme ailleurs, la proportion « soft »/ « hard » en a fortement progressé : Le « hard » a certes progressé en complexité et miniaturisation (ce qui rend d'ailleurs un émetteur contemporain beaucoup moins « accessible aux OM » que son ancêtre des années 80 par exemple), mais fondamentalement les performances finales (pureté spectrale, sensibilité, etc.)  ont peu évolué depuis les derniers appareils à lampes (années 70). Au rayon « soft » en revanche, c'est le jour et la nuit. Quelques exemples parmi d'autres :
- les logiciels de prévision de propagation sont devenus simples et efficaces (cf. le très populaire W6ELprop) ; ayant écrit des logiciels de prévision de propagation en BASIC(et même publié dans Radio-REF in extenso les lignes des programmes), je me rends compte du chemin parcouru (mes programmes étaient très primaires...)
- les logiciels d'analyse d'antenne (cf. les fameux EZNEC de W7EL, et MMANA de JE3HHT), bien qu'encore moins faciles d'emploi que les précédents, permettent aujourd'hui de visualiser les diagrammes (en 2D et en 3D) et les ROS de la plupart des antennes
-les rétro-balises en ligne et en temps réel, ou skimmers[1], qui montrent instantanément sur ordinateur si le cq que vous êtes en train de lancer est entendu (et avec quel niveau S/N) dans plusieurs points du monde ; d'où des comparaisons objectives d'antennes et des choix immédiats des meilleures bandes.
- sans oublier, bien sûr, les informations sur l'activité solaire en temps réel depuis les "plus hauts lieux scientifiques" en la matière (cf. NASA[2] )

Troisième évolution : des outils nouveaux ont fait leur apparition, qui ont complètement changé la donne dans le monde OM : Ce sont des retombées directes du développement de l'informatique. Pour être plus précis, je veux parler de deux d'entre eux qui me semblent devoir faire partie de la panoplie de tout OM de nos jours : le coupleur automatique et l'analyseur d'antenne ;
- le coupleur automatique d'abord : il existait déjà depuis une dizaine d'années chez les OM, mais était encore cher et surtout « à plage de ROS » assez étroite ; il était fait surtout pour le trafic en mobile, donc dans un cas où on veut élargir un peu la bande de son antenne, par construction, réduite. Aujourd'hui, en revanche, on trouve des coupleurs beaucoup moins chers et accordant des ROS jusqu'à 10 (cf. publicités des revues OM). Comme tout OM, je ne compte plus le nombre de « boîtes de couplage » que j'ai construites, dont une télécommandée (cf. page de couverture de Radio-REF de février 2004), qui est celle que j'utilise avec l'antenne décrite ci-après. Mais jamais je n'ai espéré égaler ces petites merveilles d'aujourd'hui qu'on met à la base de son antenne, qui s'alimentent via le coaxial, et qui permettent de charger presque instantanément une antenne d'impédance de 5 à 500 Ohms.
- l'analyseur d'antenne ensuite : s'agissant d'un instrument de mesure, il est par nature « moins transparent à l'usage » que le coupleur automatique ; il nécessite manipulation d'appareil, interprétation des résultats, action corrective, etc. C'est dire qu'il sous-tend toute une démarche qui est, à mon sens, au cœur-même de la démarche expérimentale OM. Si on m'avait demandé, il y a 30 ans, quel était dans mon shack l'appareil de mesure le plus extraordinaire selon moi, j'aurais répondu « l'oscilloscope » ; aujourd'hui, la même question amènerait la réponse « l'analyseur d'antenne ». Pourquoi ? Parce que cet appareil permet de savoir toutes ces propriétés de l'antenne, ROS et impédance (partie active et partie réactive) notamment, et de les corriger si (comme c'est souvent le cas...) elles ne conviennent pas. J'utilise personnellement un Autek et un MFJ, mais on en trouve d'autres, et n'ai pas de recommandation à faire (cf. publicités des revues OM).

Au vu de ces évolutions et de la perspective de beaux DX promis par le cycle 24 que peut-on conclure ?
Pour moi, la conclusion c'est qu'il est possible aujourd'hui à un OM qui le souhaite d'expérimenter des antennes très simples, performantes et ne coûtant pratiquement rien.
Je ne citerai qu'un exemple, intéressant plus par la démarche suivie plus que par l'objet lui-même : celui d'une antenne presque toutes bandes (du 10 au 40 mètres). Le concept en est simple et se voit sur les photos et schémas ci-contre :
- elle est à polarisation verticale pour être "tous azimuts", « tirer bas sur l'horizon » et occuper peu d'espace au sol
- elle a son point d'alimentation surélevé pour la dégager des obstacles (mes premiers essais ont été faits au niveau du sol et j'ai progressivement surélevé ; je n'ai pas voulu aller plus haut que 4 m pour des motifs de stabilité et de bon voisinage)
- elle est munie de radians pour limiter les pertes dans le sol ; ils font aussi fonction de haubans
- elle est alimentée par 4 m de coaxial, puis le coupleur, puis 15 m de coaxial jusqu'au shack (cf. schéma 1)

Quant à sa constitution :
- les radians sont en fil électrique d'installation domestique de 1,5mm2 (un quart d'onde par bande du 40m au 10m (j'ai fait l'essai avec 2 par bande, sans relever d'amélioration, et au prix d'un jardin transformé en toile d'araignée, peu du goût de mon entourage...)
- la partie verticale de l'antenne est faite de 3 brins quart d'onde (pour les 20, 15 et 10 m ; après essais d'autres combinaisons) en fils électriques domestiques de 1,5mm2 scotchés à 120° le long d'une canne à pêche en fibre de verre (surtout pas de carbone) de 5 m de long
- le mât de 4m est du tube d'aluminium du type pour antenne de TV
- canne à pêche et mât sont raccordés sur une planchette par des serre-tube de TV

En ce qui concerne les essais, je me suis servi abondamment de l'aide précieuse de mon ami Lothar/ DL1DXL de Dresde, et des skimmers (cf. tableau 2) qui m'ont passé des reports précis d'un peu partout, notamment comparatifs avec mon antenne de référence (doublet). En ce qui concerne le fonctionnement général, deux sujets m'ont préoccupé :
- le coupleur d'antenne allait-il « digérer le ROS » qui est très élevé sur certaines bandes?  Il les ramène à 1,9 sur 10m ; 1,3 sur 40m ; 1,0 sur les 5 autres bandes.
- les 4 m de coax entre coupleur et antenne n'allaient-ils pas provoquer des pertes inacceptables compte tenu du ROS élevé sur certaines bandes ? Une seule réponse pertinente : retourner aux fondamentaux en calculant le ROS au départ de l'antenne et en déduire les pertes (cf. article "Ondes guidées et transfert d'énergie par coaxial", Radio-REF février 1990). On voit que les pertes sont de 1,2 dB au maximum. A noter qu'en utilisant un petit coupleur automatique placé directement à l'antenne, on supprimerait ces pertes  (le mien, "home made" pèse 5 kg, que je vois mal en haut d'un mât à 4 mètres du sol...).


J'ai conscience que mes propos n'apprendront rien aux « vieux routiers » de la radio (dont je suis fier de faire partie, étant tombé dans la marmite en 1955...), et sans doute peu  aux « jeunes loups », car ce type d'antenne est archi-connu et très perfectible. J'espère seulement qu'ils donneront envie à quelques-uns de sortir leur vieille canne à pêche de la cave, leur vieux mât de télé du toit, leurs chutes de fil électrique du garage et de jouer de la pince coupante.

Bibliographie : mes articles cités sont sur <http://f6fqx.chez-alice.fr/>

 



[1]          <http://www.reversebeacon.net/index.php>

[2]          <http://www.swpc.noaa.gov/today.html>