Qu'est-ce que l'impédance ?

OU

LES 5 FAMILLES D’IMPEDANCE DU RADIO-AMATEUR

 

Le concept d’impédance fait patrie des notions de base en électricité et en radio. Il semble donc aller de soi, alors qu’en fait il fait parfois l’objet de contresens qui, poussés à l’extrême, débouchent sur des absurdités (cas de l’antenne E-H). Un peu de retour aux sources permet d’y voir plus clair.

Le mot lui-même a été, en français emprunté à l’anglais, comme beaucoup de substantifs en « ance ». Son éthymologie antérieure est amusante. Il vient du mot latin « impedimenta » qui signifiait « bagages ». D’ailleurs, en français jusqu’au début du XXème siècle, on appelait « impedimenta » ou « impédiments » les bagages qui ralentissaient la marche d’une armée en campagne. Un siècle plus tard, seul « impedimenta » subsiste, et uniquement dans la langue littéraire, pour désigner « ce qui entrave l’activité ou le mouvement » en général.

 

Dans ce qui suit, pour simplifier, nous ne nous intéressons qu’à des courants harmoniques (fonctions périodiques sinusoïdales du temps), monochromatiques (une seule fréquence), monophasés, ainsi qu’à des milieux isotropes et homogènes (mêmes propriétés en tout point et dans toutes les directions), et qu’au domaine familier au radio-amateur (valeurs maximales : quelques centaines de MHz pour les fréquences, quelques dizaines de Watts pour les puissances, quelques Ampères pour les intensités, quelques dizaines de Volts pour les tensions).

 

Le radio-amateur, « sur son chemin », croise 5 familles d’impédance, très différentes les unes des autres (comme l’étaient les carottes et les navets qu’on nous a appris à ne pas ajouter à l’école communale), mais ayant un caractère commun fondamental (carottes et navets, bien que différents, ont en commun d’être des légumes). Ce caractère fondamental, dans le cas des impédances, est de « représenter la contrainte qu’impose l’objet aux phénomènes électromagnétiques qu’on lui impose ». Nous expliciterons ce caractère en détail au fur et à mesure pour les différentes familles d’impédance.

 

Ces 5 familles sont, dans l’ordre où nous allons les examiner :

-         l’impédance « simple » d’une charge[1] (rapport U/I mesuré au contrôleur)

-         l’impédance « complexe » d ‘une charge (module et phase mesurés à l’oscillo)

-         l’impédance d’une source, « simple » ou « complexe »

-         l’impédance d’une ligne, « simple » dans le cas qui intéresse le radio-amateur

-         l’impédance du vide, « simple » dans le cas qui intéresse le radio-amateur

 

1 -  l’impédance « simple » d’une charge :

On dispose d’une charge et d’une source, qui sont des « boîtes noires », l’une marquée « source », l’autre marquée « charge » ; on les raccorde ; on mesure, avec un  contrôleur, le courant Ie[2] (en Ampères) dans le circuit, et la tension Ue (en Volts) aux bornes de la charge (et donc de la source). Par définition, le rapport Ue/Ie (en Ohms) est appelé impédance de la charge. Il s’agit donc d’un nombre positif, « mesurant à quel point la charge s’oppose au passage du courant », puisque « plus l’impédance est élevée, moins le courant passe », à source donnée. Si la fréquence du courant est nulle (courant continu), l’impédance est appelée résistance.

 

2 - l’impédance « complexe » d ‘une charge :

Même charge et même source raccordées ; mais on fait cette fois des mesures avec un oscilloscope : on voit alors deux courbes sinusoïdes décalées ; les amplitudes de ces deux courbes nous donnent la valeur crête de l’intensité Ic[3] et de la tension Uc ; le décalage nous donne la phase f quand on l’exprime en angle compris entre –p/2 et +p/2. Par définition, on appelle « module de l’impédance de la charge » le rapport Uc/Ic (qui est égal au rapport Ue/Ie) et « phase de l’impédance de la charge » la valeur de f.

On voit que l’impédance est devenue un nombre complexe, c’est-à-dire un couple de deux nombres réels (module et phase).

Or, on sait qu’un tel nombre complexe, qu’on écrit habituellement Z = [module,phase] s’écrit aussi sous forme de deux autres nombres réels Z=(R,X) dont on dit que le premier R est la partie réelle de Z et le second X sa partie imaginaire.

Troisième et dernière écriture utilisée : Z=R+j.X formulation dans laquelle j est le nombre complexe tel que, avec les notations précédentes, j =[1,p/2] = (0,1).

Ces différentes écritures de l’impédance, comme souvent en mathématiques, ne sont que des formulations compactes, résumant les propriétés constatées :

-         plus le module de Z est élevé, plus la charge s’oppose au passage du courant

-         si la phase de Z est nulle, la charge est une résistance pure

-         si la phase de Z est égale à +p/2 ou à -p/2, la charge est une réactance pure[4]

-         commentaire de F6BPS : on peut ajouter que si la phase est supérieure à +/- 90° c'est que nous nous sommes trompés : ce que nous avions nommé 'Charge' est en fait le générateur et ce que nous avions appelé 'Générateur ' est la charge.

 

3 - l’impédance d’une source, « simple » ou « complexe »:

On débranche source et charge ; on ne branche rien sur la source ; on mesure la tension aux bornes de la source d’une part au contrôleur (on trouve une valeur Eeou[5]), d’autre part à l’oscilloscope (on trouve une valeur crête Ecou[6]) ; on vérifie bien que Ecou=Eeou x 1,414

On met maintenant la source en court-circuit et on mesure l’intensité qui circule dans ce court-circuit d’une part au contrôleur (on trouve Iecc[7]) d’autre part à l’oscilloscope (on trouve une valeur crête Iccc[8]) ; on vérifie bien que Iccc=1,414 x Iecc

Le rapport Ecou/Iccc est, bien sûr, égal au rapport Eeou/Iecc, Il s’agit donc d’un nombre positif, « mesurant à quel point la source s’oppose au passage du courant », puisque « plus ce rapport est élevé, moins le courant passe ». Ce rapport est appelé l’impédance interne de la source. Si la fréquence du courant est nulle (courant continu), l’impédance est appelée résistance.

Deux remarques importantes au passage :

a – comme dans le cas de la charge, il a fallu 2 mesures (une d’intensité et une de tension) pour déterminer l’impédance de la source ; en revanche, contrairement au cas de la charge, les 2 mesures sur la source ont été faites dans deux configurations différentes (circuit ouvert, puis court-circuit) (commentaire de F6BPS : parce que nous n'avons pas accès à ce point indéfini qui relie le générateur parfait, pourvu d'une simple f.e.m., à son impédance associée; la détermination de l’impédance d’une source est toujours plus difficile que celle d’une charge (a fortiori compte tenu de ce qui est dit en b ci-après)

b – l’impédance de la source ainsi calculée est une « impédance simple » ; or, on conçoit bien que, comme dans le cas de la charge, cette impédance simple soit en fait le module de « l’impédance complexe » de la source ; mais on voit aussi que la même mesure à l’oscilloscope n’est pas possible puisque tension et intensité ne correspondent pas alors à la même configuration. Disons que la détermination de « l’impédance complexe » d’une source, sous forme Z =[module, phase] =[R, X] = R+j.X est possible à partir de plusieurs mesures et de calculs, en faisant l’hypothèse que la source équivaut à une « source fictive d’impédance nulle offrant une tension efficace Ueou à ses bornes » en série avec une « impédance fictive Z ».

 

 

4 - impédance de la source et impédance de la charge ne dépendent pas l’une de l’autre :

Que l’impédance de la source ne dépende pas de celle de la charge est évident puisque la mesure de l’impédance de la source se fait indépendamment de tout raccordement à une charge (court-circuit puis circuit ouvert).

En revanche, la réciproque ne va pas de soi puisque les mesures sur la charge se font avec une source raccordée. On peut se demander si, avec des sources différentes, on obtiendrait les mêmes résultats côté charge. Certains radio-amateurs le croient, par exemple les promoteurs de l’antenne E-H. Cette vision erronée pourrait être appelée le « syndrome de la boîte de couplage » : puisqu’en installant une telle boîte à la sortie de son émetteur (la source), on accorde son antenne (la charge), cela ne signifie-t-il pas qu’on a modifié l’impédance de l’antenne (la charge) en modifiant celle de l’émetteur (la source) ? En fait, non, car la mesure de la tension et de l’intensité aux bornes de l’antenne donnerait certes des valeurs différentes suivant qu’il y a coupleur ou non, mais le rapport des deux ne changerait pas, pas plus que ne changeraient la phase, la partie réelle et la partie imaginaire. L’impédance de la charge est une caractéristique de cette charge, indépendamment de la façon dont on l’alimente[9].  Remarque de F6BPS : Et elle ne modifie pas davantage l'impédance interne de la source (l'émetteur)

 

5 - impédance d’une ligne[10] :

Depuis une cinquantaine d’années, le câble « coaxial de 50 Ohms d’impédance » s’est peu à peu imposé comme ligne de transmission de référence chez les radio-amateurs[11]. La notion d’impédance d’une ligne est différente de celle d’une charge ou d’une source. Sa mesure est d’ailleurs plus compliquée. Plusieurs méthodes sont cependant possibles, dont :

- le calcul à partir de la géométrie et des caractéristiques du diélectrique

- la mesure des maxima de tension et de courant le long de la ligne (Z=Umax/Imax)

- la recherche du R.O. S. minimal en faisant varier la charge R terminale (Z= R à ROS=1)

On retrouve donc dans l’impédance d’une ligne le même caractère de contrainte imposée par la ligne au transit d’énergie électromagnétique. Il s’agit d’un nombre « simple », encore qu’on fasse intervenir des « lignes à impédance complexe » quand on évoque des lignes à fortes pertes, mais on sort du domaine des radio-amateurs.

La même remarque sur l’indépendance de l’impédance d’une ligne par rapport à ce qui lui est raccordé, à l’aval comme à l’amont, s’impose. En particulier, une boîte de couplage entre émetteur et ligne ne modifie en rien l’impédance de la dite ligne, pas plus que cela n’y modifie le R.O.S.[12]

 

6 – impédance du vide :

Cette notion n’est familière aux radio-amateurs que pour autant qu’ils s’intéressent au champ électromagnétique que leurs antennes rayonnent ou captent, mais il y a fort à parier que l’intérêt pour ce sujet ira croissant avec le développement des CPL et des réglementations invoquant des risques sanitaires éventuels pour restreindre les rayonnements, et par suite l’activité radio elle-même.

Disons simplement que le champ rayonné à grande distance comporte une composante magnétique H exprimée en Ampères par mètre, et une partie électrique E exprimée en Volts par mètre. Leurs mesures respectives, plutôt difficiles, ne présentent pas d’intérêt puisque le rapport E/H est constant dans le vide (ou l’air, à peu près) et vaut 120 x p = 377 Ohms. Ce rapport E/H est appelé l’impédance du vide.

On retrouve encore l’idée que « le milieu contraint le passage de l’énergie électromagnétique » puisqu’à H donné, E est imposé et réciproquement.

Là aussi, on voit parfois émerger des idées fausses, telles que celles d’ondes qui, selon les antennes qui les produisent, seraient plus riches en E[13] ou en H, etc. Or, l’impédance du vide est là pour rappeler que, même dans le vide, on ne fait pas ce qu’on veut en matière électromagnétique.

***

Commentaire de F5NB :

J'ai lu avec intérêt votre papier. Mais je coince sur l'impédance des sources.

Votre source est équivalente à une source idéale comme celle d'une pile ou d'une batterie. Or, ce sont des sources "continues".

En radio et en électronique, les sources HF, n'ont pas grand chose à voir avec ces sources idéales, sauf peut-être les "bons" générateurs HF. Donc la méthode de mesure de l'impédance d'une source est très complexe. Et il n'y a pas qu'une méthode, mais plusieurs. Je peux dire par exemple que vouloir mesurer l'impédance de sortie d'un émetteur en classe AB est une gageure. Et puis, quelle impédance, car elle varie avec le niveau de sortie.

Les générateurs HF (au sens large) NE SONT PAS DES SOURCES LINEAIRES. Une antenne de réception, oui.

Avec un ampli en classe A et 10% de rendement en pratique, on s'en approche le plus.

La  solution la plus sûre est de fabriquer une source de tension et de mettre en série une résistance. Mais, alors, pas besoin de mesurer l'impédance de la source (Hi)

Pour mesurer l'impédance complexe de sortie d'un émetteur, on branche un adaptateur entre l'émetteur et une charge résistive. Puis on règle l'adaptateur pour, à puissance d'exitation constante (cela suppose un gain en puissance constant du PA), obtenir le maximum de puissance dans la charge. Alors, l'impédance présentée par l'adaptateur à l'émetteur est l'impédance conjuguée de l'impédance de sortie. Naturellemnent, les pertes dans l'adaptateur viennent nous contrarier. Et cette mesure sera à faire pour toutes les puissances de sortie correspondant aux différents régimes de fonctionnement de notre émetteur.

LA MESURE DE L'IMPEDANCE DE SORTIE D'UN EMETTEUR NE PEUT SE FAIRE QUE DYNAMIQUEMENT.

On peut aussi utiliser une méthode réciproque en connectant à la sortie un deuxième émetteur tête-bêche. On prend des fréquences proches, mais suffisamment éloignées pour pouvoir les séparer dans les mesures par filtrage. Dans ce cas, on transforme l'émetteur en charge et on mesure son impédance d'une manière classique. Naturellement, il faut que l'émetteur mesuré débite sa puissance, ce qui complique sérieusement le problème (on mesure des microwatts noyés dans des watts,donc difficultés de filtrage). Noter que l'émetteur à mesurer débite sa puissance dans un atténuateur (elle est filtrée au niveau du 2ème émetteur) et que la puissance injectée par le 2 ème émetteur est notablement plus faible que celle débitée par celui à mesurer, pour ne pas le perturber.

Ma remarque rejoint celle que j'avais faite sur une réponse d'Allô Docteur ? qui considérait l'impédance de sortie d'un émetteur comme idéale pour lui appliquer les règles de la puissance transmise. Par la suite, j'ai commis deux articles dans R-REF pour expliquer pourquoi : "transmission de puissance entre un émetteur et une charge" (septembre 2003 ou 2004) et "rendement des émetteurs en fonction de la classe et de la charge" (début 2005) (je cite de mémoire approximative).

Heureusement que le comportement de la charge est indépendant de la source ...

Meilleures 73,

Robert,  F5NB.



[1] Dans ce qui suit, les charges sont supposées avoir des réponses linéaires au courant : elles se ramènent à des assemblages de résistances, condensateurs et selfs, à l’exclusion d’éléments non linéaires tels que moteurs, diodes, arcs, etc.

[2] e comme « efficace »

[3] c comme « crête »

[4] self ou condensateur suivant que la phase est positive ou négative avec les conventions habituelles (décalage mesuré à partir de l’intensité).

[5] eou comme « efficace, circuit ouvert »

[6] cou comme « crête, circuit ouvert »

[7] ecc comme « efficace, court-circuit »

[8] ccc comme « crête, court-circuit »

[9] la réaction de l’OM à qui on vient de dire que sa boîte de couplage ne changeait rien à son antenne est immédiate « c’est faux puisque ça marche mieux avec que sans ; cela prouve bien que quelque chose a été changé dans mon antenne » ; il faut que l’OM relise vite « Tintin et l’étoile mystérieuse » quand Milou sursaute de frayeur en voyant une énorme araignée dans la lunette astronomique ; certes,  « la lunette a  grossi l’araignée », mais « l’araignée n’a pas grossi » pour autant ; la boîte de couplage est à l’émetteur et à l’antenne ce que la lunette est à Milou et à l’araignée, mais l’animal et l’antenne « ne changent rien à leurs habitudes ».

[10] afin de bien distinguer ce cas de celui des impédances de charge ou de source, on parle souvent non pas de l’impédance d’une ligne, mais de son « impédance caractéristique ».

[11] même, hélas, lorsque travaillant sous R.O.S. élevé, il présente beaucoup plus de pertes qu’une bonne vieille ligne à fils parallèles…

[12] Tintin, voyant venir la question, expliquerait la différence entre placer dans l’ordre « Milou, la lunette, l’araignée », et « Milou, l’araignée, la lunette ».

[13] plus riches en E comme les pâtes Lustucru vraisemblablement…